Quand un arbre gêne votre voisin
Pour planter dans sa propriété, il faut respecter certaines distances. Même lorsque c'est le cas, tous les problèmes ne sont pas résolus.
Un cèdre majestueux fait tout le charme de votre jardin. Sa hauteur est en rapport avec son âge, la cinquantaine environ. Malheureusement, votre voisin se plaint de la chute, sur sa propriété, des aiguilles de cet arbre qui pourtant a été planté dans le respect des distances légales. Devra-t-il tomber sous la hache du bûcheron ?
Les dispositions légales
Les plantations doivent avoir été faites dans les limites légales, c'est-à-dire à la distance de 2 mètres de la ligne séparative des deux propriétés pour les plantations dont la hauteur dépasse 2 mètres et à la distance d'un demi-mètre pour les autres végétaux. Toutefois, les usages particuliers du lieu peuvent déroger à cette règle générale (Code civil, article 671).
Les branches qui dépassent la limite
En supposant que cette première condition soit remplie, votre voisin peut invoquer une disposition du Code civil : le propriétaire du terrain sur lequel "avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper..." (article 673). Ce droit de couper les racines, ronces et brindilles ou de faire couper les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux est imprescriptible, ce qui veut dire qu'une tolérance, même prolongée, ne le fait pas disparaître.
La jurisprudence - L'abus de droit
Une jurisprudence ancienne a toujours admis que l'exercice abusif d'un droit implique une faute, dans la mesure où l'acte excède les prérogatives normales ou a été accompli dans l'intention de nuire. Abuser de son droit entraîne alors condamnation et réparation. Un arbre planté dans le respect de la distance légale peut, parfois, être à l'origine d'un abus de droit. Il suffit d'évoquer une hauteur excessive, un effet de rideau, une variété d'arbre incompatible avec un voisinage normal... Le préjudice éventuel causé par un arbre planté dans les règles ne peut pas justifier une action au profit du voisin, si la situation incriminée ne procède d'aucun acte malveillant et n'excède pas les inconvénients normaux du voisinage.
Les troubles anormaux de voisinage
En matière de troubles de voisinage, les tribunaux ont progressivement écarté l'intention de nuire pour arriver à une responsabilité sans faute intentionnelle et prouvée.
De nouvelles préoccupations (protection de l'environnement, élimination des nuisances) ont incité les tribunaux à distinguer faute et dommage, pour élaborer une théorie spécifique des troubles anormaux de voisinage. Le principe est affirmé par la Cour de cassation : nul ne doit causer à son voisin un trouble dépassant les inconvénients normaux du voisinage.
Le trouble anormal procède du dommage et non de la faute, d'où la nécessité pour le voisin de prouver l'existence d'un trouble excessif qui dépasse les inconvénients normaux du voisinage.
N'entraînent pas un trouble anormal :
- un rideau de sapins plantés sans intention malveillante et dont le caractère ornemental est bénéfique aux deux propriétés ; un cèdre ou un résineux dont les aiguilles tombent
- une haie de cyprès d'une hauteur de 10 mètres n'apportant qu'un trouble d'ensoleillement ponctuel en hiver.
Quand le temps fait son oeuvre
Alors que le droit de couper les branches d'arbres avançant sur le fonds voisin est imprescriptible, la prescription de l'action fondée sur des troubles anormaux de voisinage est admise par la doctrine comme par la jurisprudence. Cela doit permettre de mettre fin à des querelles de voisinage.
Source "le Journal de l'Ariège" n° 428 - 2001
Sauvegarde de l'arbre et de l'environnement
A titre subsidiaire, si l'article 673 du Code civil autorise un voisin à demander l'élagage des branches qui empiètent sur sa propriété, la jurisprudence a eu l'occasion de modérer ce principe dans un souci de sauvegarde de l'environnement.
La Cour d'appel de Paris a eu l'occasion de juger "il ne saurait, sauf danger de voir entraîner leur dépérissement (des arbres), être procédé comme il a été demandé à une taille drastique et sans discernement de leur ramure en limite ; cette opération requérant la réunion d'un minimum de précautions il apparaît nécessaire avant dire droit sur mes modalités d'aménagement des opérations d'élagage et l'ensemble des autres demandes de recourir à l'avis d'un technicien à qui il appartiendra dans une perspective de sauvegarde de l'environnement d'élaborer par la voie d'une expertise diligentée aux frais partagés des parties un calendrier des travaux d'élagage "en douceur" des cinq arbres concernés." (CA Paris, 8ème chambre B, 22 juin 1995, juris-data n° 1995-021769).